Valère Corréard : « Il est possible de changer le monde presque en sifflotant »

Permettre à tous de devenir acteur du changement, c’est ce que propose le journaliste Valère Corréard à travers son guide pratique Changer d’ère, l’air de rien (24 mai). Celui qui sera aux manettes, tout l’été, de l’émission Des idées pour demain sur France Inter et qui a fondé le pureplayer l’Info Durable fin 2017, encourage une transition pragmatique et égoïste. Par l’adoption de petits gestes, il détaille à quel point il est simple d’améliorer avant tout son propre quotidien sans contrainte. Le tout en étant moins nocif pour la planète. Un message qui a le mérite de ne pas être moralisateur et apporte un peu de concret à des enjeux sociaux et environnementaux planétaires, dont les contours paraissent encore souvent trop flous pour nombre de gens. Entretien avec un homme pour qui la diffusion de l’information est essentielle, afin que chaque citoyen puisse reprendre le contrôle et gagner en liberté.

696x391_correard_valere

Le journaliste Valère Corréard souhaite montrer que chacun peut agir à son échelle, pour son bien-être individuel avant tout et, par extension, pour celui de la planète et de l’humanité.

Quel déclic vous a donné l’envie d’écrire ce livre Changer d’ère, l’air de rien ?

Le fait, peut être, qu’il n’en en existait pas du même acabit. Pour travailler depuis pas mal de temps sur les sujets liés au développement durable, j’ai vu paraître de nombreux ouvrages sur des thématiques précises : l’alimentation, le gaspillage, la mobilité, etc. En revanche, un livre qui synthétise un peu l’ensemble des informations disponibles et qui essaie de vulgariser tout cela dans une sorte de mécanique pragmatique, je n’en connaissais pas. Cela a été un premier élément du déclic. Le deuxième élément, c’est qu’en discutant avec des acteurs du changement, des entrepreneurs ou des citoyens lambda, j’ai constaté qu’il y avait d’un côté des gens engagés, dont le point d’entrée était souvent l’altruisme, l’intérêt général, le militantisme, l’activisme. D’un autre côté, j’ai découvert des personnes sceptiques, un peu distantes vis-à-vis de tout cela, pensant que la situation n’était pas si grave. C’est, à mes yeux, assez particulier parce que l’on est pourtant face à des sujets qui devraient être beaucoup plus concernants tant ceux-ci peuvent apporter du bien-être, du positif de façon concrète. A une échelle individuelle d’abord. Et avec des répercussions et des bénéfices collatéraux plus globaux ensuite. Le souci c’est qu’aujourd’hui on perçoit tout cela comme une sorte de contrainte supplémentaire. Ce qui est évidemment insupportable si l’on prend en compte le contexte déjà très difficile dans lequel on vit. C’est deux points m’ont donc donné envie d’apporter ma petite pierre à l’édifice afin de participer à changer les mentalités.

 

Je souhaite encourager les gens à passer à l’acte »

 

Par ailleurs, on réduit souvent ces sujets de transition à l’écologie. C’est bien sûr un pan extrêmement important mais il n’y a pas que ça. Il existe des enjeux sociétaux, sociaux, économiques, qui ne sont pas naturellement associés au problème et qui, de mon point de vue, devraient l’être également. C’est pour cela que j’ai voulu mettre en avant trois chapitres sur l’information, la citoyenneté et la gestion du temps. J’aurais aussi pu évoquer le travail, le logement, les loisirs, etc. En fait, il faudrait voir si l’on arrive à trouver un seul sujet qui ne se rattache pas de près ou de loin au développement durable. Car, finalement, l’enjeu concerne toutes les strates de notre quotidien. Le but étant ni plus, ni moins que de continuer à vivre comme à présent, sans préempter l’avenir des générations futures. Par ce livre, je souhaite donc encourager les gens à passer à l’acte.

Votre guide est très didactique, avec même un côté un peu ludique. Etait-ce un choix dès le départ ?

Ce n’était pas un choix initial, mais c’est venu très vite parce que le projet a évolué. Au début, je souhaitais écrire un recueil d’initiatives innovantes, recensant tous ces acteurs du changement qui essaient de conjuguer une ambition économique avec une dimension sociale, sociétale ou environnementale. Comme je le faisais dans ma chronique sur France Inter. Mais, je me suis rendu compte que c’était insuffisant, qu’il était judicieux de thématiser. Et je voulais aussi apporter de la profondeur. Or, il était impératif d’éviter de tomber dans l’écueil de la culpabilisation, du donneur de leçons. En effet, je pense que cette approche est contre productive, à la fois dans l’expérience du lecteur, mais aussi dans l’ambition qu’était la mienne d’apporter un plus dans la vie des gens, de les aider. Si on veut avoir de bonnes idées pour demain, il ne faut pas que ce soit dans un climat anxiogène. Donc, on a voulu apporter de l’autodérision avec les petites caricatures de Nat Mikles. Mais aussi en employant un ton un peu enthousiaste, optimiste. C’est de la sorte que je parle depuis toujours de ces sujets et on voulait que cela se ressente. En fait, c’est un peu la promesse de départ du livre : changer d’ère, l’air de rien. L’objectif est de démontrer que l’on peut renverser la table, faire bouger les lignes, qu’il est possible de changer le monde quasiment en sifflotant. Il ne s’agit pas de dédramatiser les enjeux, mais de dédramatiser ce que chacun peut faire.

Vous êtes de ceux qui pensez qu’il faut sensibiliser en encourageant et non en culpabilisant. Pensez-vous que cette méthode peut davantage porter ses fruits ?

L’idée est en effet d’encourager. Mais sans dire que c’est super d’aller ramasser des mégots sur la plage. C’est évidemment génial de le faire mais il s’agit surtout d’aider les gens à prendre conscience que si ils arrêtent de jeter leurs mégots sur la plage, ils auront un bénéfice direct. Avant même de penser au bien-être des goélands qui ne s’étoufferont pas avec. En y réfléchissant deux minutes, on se rend vite compte que l’on a un intérêt individuel, actuel, de faire évoluer les choses. Ce livre ne dit rien d’autre que cela : on se relève les manches, mais avant tout pour soi.

Les gens sont-ils suffisamment sensibilisés – par les médias, l’école, etc – à ces problématiques selon vous ?

Pas encore assez manifestement. Sinon nous n’accepterions pas certaines choses qu’une poignée de personnes décide à notre place. Il y aurait des manifestations ou des revendications populaires sans doute plus importantes. Mais, encore une fois, il faut bien prendre en compte le fait que nous vivons dans une société où l’on est saturé d’informations en permanence, où l’on nous demande d’être très productif, d’être dans la performance, etc. Notre esprit est sans arrêt sollicité. Nous évoluons dans un système issu des Trente Glorieuses, qui n’a rien de très glorieux au final. Un système de surconsommation totale, avec toutes les frustrations que cela engendre. Donc, quand on met bout à bout tout cela, il n’est clairement pas question d’en demander trop aux gens. Cela étant, il y a quand même un mouvement plus profond que j’observe, auquel je crois vraiment et qui a beaucoup d’avenir : c’est la volonté des citoyens, notamment des Français, de s’affranchir des contraintes, de retrouver de la liberté, de reprendre le contrôle. Et reprendre le contrôle cela passe par savoir ce que l’on met dans nos assiettes, ce qui est bon pour notre santé, quel est l’air que l’on respire… C’est un retour à des fondamentaux. C’est le cerveau reptilien qui parle. C’est de la survie en fait. Tout le monde voit bien les désordres qui se mettent en place, les crises de l’agroalimentaire, les effets de certains produits que l’on dissémine par ci, par là, etc. Je pense que tout cela est en train de mûrir. Les symptômes sont déjà palpables. En atteste la croissance à deux chiffres de l’alimentation bio. Même si ce n’est pas LA solution, c’est un chemin vers elle. On peut aussi relever la montée en puissance des énergies renouvelables, les changements d’usages, la présence croissante de communautés très investies, une démocratisation des sujets liés au développement durable, etc. De mon point de vue, tout cela montre qu’une dynamique se met clairement en place, que le vent tourne dans le bon sens.

 

 Je crois en la volonté des Français de s’affranchir des contraintes, de retrouver de la liberté, de reprendre le contrôle »

 

Pensez-vous que les Français son prêts à changer leurs habitudes ?

C’est difficile de parler pour tous. Et je ne me fierai pas aux témoignages recueillis via mon travail car le prisme est forcément déformé. Mais, si je prends en compte mon propre entourage qui est très varié – je vis à Paris mais viens d’Avignon, je côtoie différentes couches sociales et tranches d’âge, etc -, plus personne n’est aujourd’hui insensible aux problématiques liées au développement durable. Plus personne n’est climato-sceptique, plat industrialo-sceptique. Tout le monde a conscience de ce qu’il se passe. Après, peut être que ce mouvement ne va pas assez vite, que ce n’est pas encore assez fort. Dans tous les cas, je crois qu’il est plus facile à présent de parler librement de tous ces sujets. Ceux-ci provoquent moins de crispation et sont moins politisés. Puis, une fois de plus, tout le monde a envie de reprendre le contrôle. Les gens en ont ras-le-bol d’être pris pour des pantins, des homo-economicus. On a envie de manger sainement, que nos enfants aient une vie correcte, etc. Tout cela joue dans les esprits et le désir de changer certaines choses.

Pour autant, certains se sentent démunis, impuissants face à ces enjeux. Que leur suggérez-vous ?

Je leur conseille de lire mon livre (rires). C’est un peu prétentieux mais ça fait en tout cas parti des outils à disposition, permettant de se rendre compte de l’impact que chacun peut avoir. Par ailleurs, il existe aujourd’hui une multitude de médias spécialisés sur ces questions, qui sont très éclairants. Mêmes les médias généralistes sont désormais tournés vers ces sujets. Il y a donc beaucoup d’informations et de documentations disponibles afin de se renseigner. Ensuite, si l’on veut agir, le plus simple est de commencer par son urgence à soi. Pas celle du voisin. Si on en a marre de prendre sa voiture tous les matins et que l’on a envie de tester autres choses, on peut commencer par ça. Si on a envie de changer ces modes alimentaires et de retrouver un peu de temps pour partager des repas, préparer de petits plats, aller à la rencontre de producteurs, ça peut être ça. Dans l’absolu qu’importe. A partir du moment où on change de paradigme et où on met le pied à l’étrier, je crois qu’après c’est une fuite positive en avant. Mais, chacun à son rythme. Pour écrire mon livre, j’ai voulu tout tester dans ma propre vie. Et ces temps-ci, par exemple, je stagne sur certains trucs. Je galère un peu mais ce n’est pas grave. En fait, dès que cela devient trop une contrainte, je me tourne vers autre chose. Je vais chercher des bénéfices ailleurs. Imaginons que demain nous soyons tous tournés vers nos bénéfices individuels, nous allons déjà apporter une base de changement incroyable. Chacun a son rôle à jouer. C’est un sacré boulot de changer un modèle, mais si nous autres, citoyens et consommateurs, nous donnons le « la » sur ces sujets, les courants seront différents de ceux qui sont encore majoritaires aujourd’hui. Tout cela est systémique.

Quels changements avez-vous réellement adopté ? Et en quoi ont-ils un impact positif dans votre quotidien ?

Le premier changement que j’ai adopté se situe au niveau de l’alimentation. Avant, en raison de la vie que je mène, je ne consacrais que très peu de temps à cela. Aujourd’hui, c’est devenu un véritable plaisir de prendre davantage de temps pour manger, de mieux choisir les produits que j’achète. Mon régime est devenu moins carné, je mange des fruits et légumes de saisons, je privilégie les circuits-courts et l’agriculture raisonnée ou bio. Il est clairement plus sain. Le tout pour quasiment le même budget qu’auparavant. Certes, cela demande un peu plus de temps. Tout dépend alors de la façon de voir les choses. Est-ce que le temps c’est de l’argent ou bien est-ce que le temps c’est profiter. Pour ma part, je retire une réelle satisfaction de cette façon de faire. C’est un art de vivre. On passe du temps à cuisiner en famille, on goûte de nouvelles choses. On se rend compte que s’il y a moins de fruits en hiver, ce n’est pas bien grave. Et c’est une évolution facilement réalisable.

 

Au final, c’est par pur plaisir que j’utilise mon vélo et non dans l’idée de sauver la planète »

 

Le deuxième point concerne la mobilité. J’ai redécouvert le vélo avec bonheur. Avant, j’habitais vers Avignon et je prenais beaucoup ma voiture. Mais à présent, je me dis que j’étais fou. Si j’avais alors utilisé mon vélo comme je l’utilise désormais, on n’aurait plus eu besoin de deux voitures dans le foyer. 90% de mes déplacements se font dorénavant en pédalant et je m’éclate. Cela me permet de faire 3-4 heures de sport en plus par semaine. Je suis en meilleure santé. Je lisais d’ailleurs, il y a quelques jours, un papier qui expliquait que les entreprises ayant mis en place l’indemnité kilométrique voyaient une baisse de 15% des arrêts maladies. Le vélo – l’activité physique en général – apporte un bénéfice net et du temps pour soi. Au final, c’est par pur plaisir que j’utilise mon vélo et non dans l’idée de sauver la planète. En plus c’est économique. Et cerise sur le gâteau, je ne produits pas de nuisance sonore et mon bilan carbone est excellent. Je reste toutefois conscient que tout le monde ne peut pas utiliser son vélo tous les jours.

Enfin, le troisième changement principal concerne mon rapport au temps. Par le passé, comme beaucoup de monde, j’avais tendance à saturer mon agenda, à dresser plein de to-do lists, à remplir ma vie au maximum pour, sans doute, ne pas regarder le vide. Un vide qui peut être pourtant bénéfique. J’ai donc essayé de remettre un peu d’ordre dans tout cela et de m’accorder de petits moments dans la journée pour contempler un truc, m’essayer à la méditation, ralentir un peu. Je ne suis pas un chaman mais sincèrement cela m’a apporté du positif. Je dors mieux et quand je ne dors pas, ce n’est pas très grave parce que je stresse moins. J’ai repris un peu le contrôle. J’ai l’impression d’être un peu plus aux commandes de mon quotidien et ce n’est pas rien.

Ces quelques changements mis bout à bout font que j’ai une empreinte écologique moindre. Mais il s’agit là, avant tout, de la conséquence d’une qualité de vie recouvrée. C’est vraiment cette mécanique que j’essaie de mettre en avant. Tout en m’appliquant à ne pas être militant. Ce qui n’est pas évident parce qu’en essayant d’avoir un style de vie plus responsable, on se rend compte que c’est cool et on a envie de défendre le truc. Mais je suis tout de même journaliste donc je dois toujours me recentrer sur ma conscience professionnelle. C’est pour cela que j’ai beaucoup sourcé mon livre. Même si c’est ludique, j’ai essayé de faire un travail vraiment sérieux.

 

L’envie est le vrai moteur »

 

Par quoi conseilleriez-vous d’entamer sa transition ?

Il n’y a pas vraiment de mode d’emploi. Mon conseil est avant tout de commencer par là où on en a envie. Chacun, en prenant un peu de recul, peut trouver un nœud dans sa vie, quelque chose à changer. En fait, c’est un peu comme arrêter de fumer. Il s’agit bien souvent d’habitudes. Avant de parvenir à arrêter de fumer il y a 15 ans, j’ai du m’y prendre à 15 reprises. La dernière a été la bonne car c’est celle où j’ai été le plus motivé. L’envie est le vrai moteur. Si votre truc c’est de faire davantage d’activités avec vos enfants, vous pouvez commencer par vous mettre au Do It Yourself, c’est génial. Vous pouvez ainsi fabriquer votre propre lessive par exemple. L’occasion de proposer un atelier chimie ludique à la maison et de confectionner dans le même temps des produits à utiliser tous les jours. Ca un côté hyper valorisant. En plus, c’est très simple, le tour est joué en 10 minutes montre en main. Et, accessoirement, cela permet de payer seulement 50 centimes les 2 litres de produits pour laver son linge. Avec ni tensioactif, ni autres mauvaises substances dedans.

Nombreux sont ceux à estimer que ce n’est pourtant pas par ces petits gestes a priori anodins que les choses évolueront mais que c’est aux politiques, aux industries, aux entreprises d’agir. Que leur rétorquez-vous ?

Les collectivités, les industries, les entreprises, ont effectivement une grande part de responsabilité et se doivent d’agir. C’est très important. Mais quand on est citoyen-consommateur, si on change de paradigme et que l’on modifie nos habitudes, que l’on a de nouvelles attentes, nos représentants suivent. Nous sommes le marché, et à partir du moment où l’on est suffisamment nombreux, nous pouvons exercer une pression bien réelle, envoyer un message et prendre de la sorte le pouvoir. Les petits gestes fonctionnent souvent par éducation mais aussi par mimétisme, et cela peut faire boule de neige. Ca c’est pour la théorie. Dans la pratique, en France, un réacteur tourne à plein régime juste pour les appareils laissés en veille. Si demain nous les arrêtons tous, on éteint un réacteur nucléaire. C’est l’exemple d’un petit geste qui peut avoir une conséquence énorme. De même, il y a 9 millions de pailles jetées par jour en France. 1 milliard quotidiennement dans le monde. Et on ne sait pas les recycler. Si, déjà, sur ces 9 millions, 4,5 millions de personnes arrêtaient de jeter ces bouts de plastiques, cela constituerait un acte énorme. En fait, ce que nous n’arrivons pas à réaliser c’est l’impact de nos comportements à l’échelle de la France, mais également de la planète. Nous gâchons ce que nous avons sous les pieds et entre les mains. Nous sommes donc en train de compromettre l’avenir de nos enfants, petits-enfants, etc. Les petits gestes ont leur importance. Si on avait pensé que ceux-ci ne comptaient pas dans les périodes sombres de notre Histoire, je ne sais pas si nous serions là à discuter de tout ça. Donc, il y a ceux qui se résignent avec, peut être, un peu de cynisme et puis il y a ceux qui agissent. Je respecte chacun des deux camps. Disons que c’est une question de vision de la société plus ou moins optimiste.

A travers votre livre, mais aussi votre média en ligne l’Info Durable et vos passages sur France Inter, vous mettez en avant des acteurs du changement, des solutions et des initiatives en faveur du développement durable. Braquer les projecteurs sur ces actions, ces personnes, peut-il participer à faire changer les mentalités et à encourager les gens ?

Mettre en avant ces acteurs du changement qui ont la double vertu de prendre souvent des risques économiques, et d’associer cela à une démarche d’intérêt général, c’est de base intéressant. Et puis c’est un peu la preuve par l’exemple qu’il peut exister des solutions aux problèmes. Quelque part, ce sont des facilitateurs. Ils montrent le chemin. Je pense, par exemple, à une petite boîte qui a monté une marketplace sur Internet : WeDressFair. Je les ai découvert via mon travail. Et alors que je galérais un peu à trouver des vêtements neufs éthiques – parce que la seconde main c’est une chose, mais parfois on a envie d’acheter des trucs neufs -, ils m’ont apporté la solution. Aujourd’hui, je porte un de leur t-shirt, entièrement fait de matière recyclée, avec 60% de coton bio, réalisé dans des conditions dignes pour les ouvriers, etc. Certes, il m’a coûté un peu plus cher que chez H&M ou Zara mais l’engagement que j’attends – et je l’ai vérifié – est qu’il dure plus longtemps que les fringues achetées dans ces magasins et qui se retrouvent souvent déformées au bout de 3-4 lavages. Ces entrepreneurs sont donc des passeurs. Ils prennent des risques et sont indispensables pour faire évoluer les choses. Ils représentent un écosystème très innovant.

Au milieu du flot d’informations que chaque citoyen doit digérer au quotidien, est-il facile de faire exister ce journalisme d’impact ?

Oui et non. Ce qui ne signifie pas qu’il ne doit pas exister. Certains médias ne font que dénoncer, d’autres ne parlent que de faits divers, ou de littérature, certains ont fait le choix d’apporter des solutions. C’est une question de ligne éditoriale. A travers l’Info Durable, nous essayons en tout cas de faire vivre ce journalisme positif et engagé. Certains lui confèrent une image un peu naïve. On entend dire que c’est le syndrome de la bonne nouvelle, que l’on ne fait que regarder le verre à moitié plein. Peut être. Mais quand on ne fait que de la dénonciation, on regarde le verre à moitié vide. Est-ce que c’est mieux ? A mon avis, les deux sont défendables à partir du moment où le travail est fait de manière rigoureuse.

 

Il ne faut pas que ce soit un effet de mode, il faut que ce soit une lame de fond »

 

A la fin de votre livre, vous dites espérer que celui-ci fasse gagner un peu de liberté aux gens. Dans quelle mesure ?

Parce que je crois que lorsque l’on est bien informé sur des sujets, ce que j’espère avoir réussi à faire, on gagne en liberté. Car on est éclairé au sens strict du terme. Quand on sait, on peut faire des choix plus libre.

Pour conclure, êtes-vous plutôt optimiste pour l’avenir ?

Je ne suis pas pessimiste. On est vraiment sur le fil mais je crois que l’humain est constitué de telle façon qu’il est souvent rappelé à l’ordre par des instincts de survie essentiels. Si l’espèce veut perdurer dans de bonnes conditions, il faut forcément remettre en cause certains aspects du modèle dans lequel nous vivons aujourd’hui. Je pense donc que ça peut le faire et que quelque chose est en train de se mettre en place. Toutefois, je ne pense pas que cela se fera dans le temps escompté pour que l’on ne vive pas des périodes difficiles à l’échelle mondiale. On risque d’être un peu à la bourre mais comme on dit, mieux vaut tard que jamais. Je reste donc optimiste, mais très vigilant parce qu’il va falloir voir la puissance de la vague. Il ne faut pas que ce soit un effet de mode, il faut que ce soit une lame de fond. Un tsunami.

Changer d’ère, l’air de rien de Valère Corréard (éd. Rue de l’échiquier)

changer-d-ère-l-air-de-rien.jpg

 

Laisser un commentaire